La réforme des collectivités territoriales adoptée au Sénat : un vote synonyme de défaite pour le Gouvernement

Une très courte majorité (166 voix contre 160) a adopté le 7 juillet le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Depuis le début de l’examen de ce texte, le groupe socialiste s’est fermement opposé à ce projet qui propose de revenir sur trente ans de décentralisation ayant pourtant fait ses preuves.

Après dix jours de débats intensifs, le Gouvernement a finalement réussi à faire voter sa réforme des collectivités territoriales d’une très courte majorité. Cependant, il ne faut pas s’y tromper, le résultat de ce vote ainsi que les changements opérés dans ce texte au Sénat, sont très largement synonymes de défaite pour le pouvoir en place.

En effet, je me félicite que le Sénat soit revenu sur des aspects essentiels pour notre vie locale, à savoir la clause générale de compétence et le rejet du conseiller territorial.

Je tiens ici à vous présenter les points essentiels de ce projet de loi tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale le 8 juin dernier afin de vous expliquer les raisons de notre opposition massive !

La réforme telle qu’elle est proposée par le Gouvernement :

 
– la mesure phare de ce texte est bien évidemment la création des fameux « conseillers territoriaux » qui auraient vocation à remplacer les conseillers généraux et régionaux en siégeant aux deux conseils en 2014. Le texte provenant de l’Assemblée nationale proposait que ces conseillers soient élus au scrutin uninominal majoritaire à 2 tours pour une durée de 6 ans
– la possibilité de fusion entre départements et entre régions : après accord des assemblées locales et le soutien populaire, les collectivités pourraient se regrouper.
– la fin de la clause générale de compétence pour les départements et les régions. Le Gouvernement parle de “clarification” de la répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales. Dans son projet, une compétence relèverait exclusivement d’un niveau de collectivité mettant fin, de ce fait, aux financements croisés.
– la création des « métropoles » : pour les communes de plus de 450.000 habitants, la réforme offrirait la possibilité de se constituer en une nouvelle catégorie d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.
– l’intercommunalité : une communauté urbaine pourrait être créée dès 450.000 habitants et une communauté d’agglomération dès 30.000 habitants si elle comprend le chef-lieu du département.

Les raisons de mon opposition à ce texte :

 
– La création de ces conseillers territoriaux établirait des assemblées pléthoriques dans les Conseils régionaux. Alors que le Gouvernement et le Président de la République se targuent de vouloir assainir les finances publiques, ils nous proposent ici de créer des élus qui coûteront plus chers et qui nécessiteront d’aménager ou même de construire de nouveaux bâtiments pour accueillir ces assemblées.
– Le mode de scrutin proposé par le Gouvernement est taillé sur mesure pour l’UMP au détriment de la parité et de la réalité politique des territoires avec, notamment, une sous-représentation du monde rural.
– Ce conseiller institutionnalise le cumul des mandats entre les différents niveaux de collectivités locales. De surcroît, il entraîne une confusion pour les citoyens, et même pour les élus, dans la répartition des rôles entre régions et départements.
En remettant en cause la clause générale de compétence, le Gouvernement met à mal une péréquation financière efficace essentielle entre les territoires urbains et ruraux.
Cette réforme est une amorce à la suppression des départements en créant un niveau de collectivité territoriale unique, à savoir la région. Ce texte affaiblit les collectivités territoriales et donc les institutions politiques les plus en phase avec les réalités locales. Cette volonté a d’ailleurs été amorcée dès le projet de loi de finances pour 2010 qui a supprimé la taxe professionnelle au profit d’une contribution économique territoriale. Ce sont donc nos services publics de proximité, déjà mis à mal par les réformes actuelles, qui vont en subir les conséquences. (voir ma rubrique “suppression de la taxe professionnelle”).
– D’une manière générale, ce texte s’inscrit dans une logique propre au Gouvernement : le démantèlement de nos services publics de proximité et la lutte contre toutes formes de contre-pouvoirs locaux (majoritairement détenus par la gauche). Il s’agit d’un projet de réduction de la sphère publique s’effectuant au désavantage des populations et des collectivités territoriales avec une forte recentralisation des pouvoirs dans les mains de l’Etat.

Les intérêts locaux des territoires défendus avec ferveur par les Sénateurs :

À l’occasion de la deuxième lecture du projet de réforme au Sénat, la Commission des Lois a rejeté, le 16 juin, le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour le conseiller territorial.
– Le 30 juin, un amendement communiste rétablissant la clause générale de compétence pour les départements et les régions est adopté par le Sénat.

– Le 6 juillet, après une suspension de séance longue de plusieurs heures et l’invitation du groupe des sénateurs centristes à l’Elysée, un amendement supprimant l’article 35 qui remettait en cause la clause générale de compétence, est tout de même adopté à une majorité écrasante  (335 voix contre 5 ! ).
Le conseiller territorial est donc actuellement un élu fantôme : nous ne connaissons ni son mode de scrutin, ni sa circonscription. De plus, ses compétences particulières ne seront définies que dans une une loi ultérieure !
le 7 juillet, le Sénat adopte à une très courte majorité (166 voix contre 160) un projet de loi totalement vidé de sa substance. Le texte est ainsi renvoyé en seconde lecture à l’Assemblée nationale. Selon toute probabilité, une Commission Mixte Paritaire (CMP) se réunira ultérieurement  pour déterminer la version finale du texte.

A mon sens, ce qui marque le débat autour de cette réforme est donc le fait que le Gouvernement est de plus en plus isolé politiquement. Au sein même de sa majorité, il n’arrive plus à dégager un consensus.

Cette conjoncture très particulière reflète à la fois le mal-être profond des français et la gêne croissante des élus de la majorité à défendre des textes iniques auxquels ils ne croient pas ! Ce constat n’est pas propre au Sénat. Le 7 juillet, à l’Assemblée nationale, les députés de l’UMP se sont opposés massivement au projet de loi du Gouvernement sur le dialogue social dans les TPE.

Nous sommes faces à des réformes précipitées et incompréhensibles. La voie dans laquelle souhaite nous entraîner le Gouvernement est totalement déconnectée des réalités sociales, économiques et politiques !

J’espère donc très sincèrement que l’Assemblée nationale prendra en compte le travail du Sénat à la rentrée prochaine lors de la seconde lecture de ce projet de loi et s’opposera à un texte totalement à contre-courant des besoins des français !