Retour sur mon déplacement en Allemagne avec la commission des affaires économiques du Sénat

Du 11 au 15 mars dernier, j’ai participé à un déplacement de la Commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat en Allemagne. Durant ces 4 jours, notre délégation composée de 5 sénateurs, dont le président de la Commission des affaires économiques, est allée à la rencontre de nos homologues allemands, en Bavière et à Berlin, afin de débattre et d’échanger sur différents thèmes liés à l’économie, l’industrie ou l’agriculture.

Ce déplacement fut très riche en enseignement. Il nous a permis, si cela était encore nécessaire, de prendre une nouvelle fois la mesure des différences économiques et sociétales entre nos pays. Différences qui nous renvoient tant à nos défauts qu’à nos qualités, et qui nous poussent nécessairement à la réflexion.

Il a également été l’occasion de visiter des entreprises et d’aller à la rencontre de leurs dirigeants. Comme nous pouvons le remarquer, aujourd’hui, certains n’ont de cesse de comparer notre modèle économique à celui de l’Allemagne. Personne ne peut nier, en effet, que le modèle économique allemand semble être une réussite. L’Allemagne dispose d’une industrie compétitive et exportatrice qui peut s’appuyer sur un réseau de PME dynamiques, tout en comptant sur un système de formation des étudiants clairement orienté vers le monde de l’entreprise. Beaucoup plus tournées vers l’international et l’innovation qu’en France, les entreprises allemandes investissent énormément en recherche et développement. Lors de notre déplacement, nous avons ainsi pu constater que certaines d’entre elles allaient jusqu’à consacrer 30% de leurs effectifs dans ce domaine.

Cependant, il ne faut pas s’y tromper, ce système, comme tout système, comporte ses limites. L’orientation très libérale du modèle allemand n’est pas sans impact socialement. Il faut bien avoir à l’esprit que l’Allemagne est caractérisée par une forte précarité salariale. L’intérim occupe une place très importante dans le monde de l’entreprise et 6 millions de travailleurs sont payés moins de 8,50 euros de l’heure. Dans le même temps, le taux de natalité très faible Outre-Rhin ne sera pas sans poser des problèmes de renouvellement des générations dans les prochaines années. Une pénurie de main d’œuvre qualifiée semble déjà se faire en sentir dans certains secteurs.

Forts de ces constats, je pense sincèrement qu’il faut en finir avec cette comparaison perpétuelle entre nos deux pays qui se fait systématiquement en notre défaveur.

Ce déplacement a également été l’occasion d’aborder des questions d’ordre agricole qui ont particulièrement retenues mon attention. Reçus au ministère de l’agriculture allemand et en visite dans plusieurs exploitations, nous avons eu l’opportunité de rencontrer différentes personnalités du monde agricole.

Il faut savoir que l’Allemagne est aujourd’hui le 2ème producteur agricole de l’Union européenne derrière la France. Dominé par l’élevage qui représente plus de la moitié de son chiffre d’affaires, le secteur agricole et agroalimentaire représente 5 millions d’emplois Outre-Rhin. Pour autant, l’Allemagne reste le second importateur mondial de produits agroalimentaires derrière les États-Unis, avec un déficit commercial conséquent de l’ordre de 9 milliards d’euros en 2010. L’Allemagne est d’ailleurs le premier importateur de produits agroalimentaires français, représentant environ 12% de nos ventes actuelles. Le secteur agroalimentaire français est 1,4 fois plus puissant que celui de l’Allemagne en valeur.

Paradoxalement à ces différents constats, l’agriculture allemande est, à l’image de son industrie, très tournée vers l’international. En 2007, elle a ainsi dépassé la France par le volume de ses exportations agroalimentaires, devenant ainsi le 3ème exportateur mondial derrière les États-Unis et les Pays-Bas. Cette tendance est la traduction d’une réelle amélioration de la situation agricole en Allemagne qui, progressivement et malgré sa forte dépendance aux importations, a su rattraper son retard en Europe.

De plus, il faut savoir que les agriculteurs allemands ont su diversifier leurs activités en s’engageant pleinement dans la transition énergétique avec la production d’énergies renouvelables (biomasse, éolien, photovoltaïque…) ou de biocarburants et de biogaz. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires lié aux énergies renouvelables réalisé par les agriculteurs représenterait 18% de la production agricole finale, soit plus de 8 milliards d’euros. Outre le gain financier, cette situation assure une sécurité financière en cas de crise agricole. Pour atteindre cet objectif, les agriculteurs allemands ont pu compter sur une politique gouvernementale incitatrice et stable, s’inscrivant dans le long terme avec des prix de rachat de l’électricité renouvelable fixés sur 20 ans.

Cependant, ce système a également ses défauts, à commencer par celui d’une approche parfois trop industrielle de l’agriculture comme j’ai pu le constater lors de nos visites dans de grandes exploitations agricoles. Le confort animal est relégué au second plan, et les vaches laitières transformées en usine à produire du lisier.

La pression sur le foncier est également très forte avec une augmentation de 10% du prix par an et ce, depuis plusieurs années. L’hectare coûte environ 12.000 euros contre 5.000 en France. Cette situation favorise la concentration des activités et la fin des exploitations à taille humaine. Par ailleurs, cette course aux énergies renouvelables que je viens de décrire, a conduit certains agriculteurs à y concentrer une part trop importante de leur activité, oubliant parfois que leur mission première est de produire des aliments.

En conclusion, ce déplacement a été riche d’enseignements, autant positifs que négatifs. C’est pourquoi je me félicite que les parlementaires français aillent à la rencontre de leurs homologues en Europe et dans le monde, afin de débattre et d’échanger des expériences sur des sujets cruciaux pour notre pays.