Villeranges : permis de recherche. Question orale au Ministre du Redressement Productif

Devant les inquiétudes des riverains, des maires concernés et des associations de défense de l’environnement, j’ai pris l’initiative d’interpeller le Ministre du Redressement productif sur les conditions d’octroi du permis d’explorer accordé à la société Cominor. En l’absence d’Arnaud Montebourg, c’est André Vallini, secrétaire d’État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale, qui a répondu lors de la séance du 27 mai dernier.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le secrétaire d’État, en novembre 2013, un permis exclusif de recherches de mines d’or, de cuivre, d’argent, d’antimoine, de zinc, d’étain, de tungstène et autres substances connexes a été octroyé pour une durée de trois ans à la société Cominor, filiale du groupe La Mancha Resources Inc., basée au Canada. Ce permis, dit de « Villeranges », porte sur sept communes creusoises et couvre une superficie de plus de quarante-sept kilomètres carrés.

L’octroi de ce permis soulève de nombreuses interrogations dans la population, très peu informée de la démarche. Certes, la demande, déposée en janvier 2011, a été soumise à consultation publique du 24 juillet au 4 septembre 2013, mais très peu d’habitants en ont eu connaissance. Et les maires du secteur concerné estiment ne pas avoir obtenu toutes les informations voulues lors de la réunion qui s’est tenue à la préfecture de la Creuse, en présence de la société exploitante, au mois de juillet 2013.

Aujourd’hui, les inquiétudes vont grandissantes, malgré plusieurs réunions d’information organisées par le directeur général de Cominor.

Ces craintes sont d’autant plus vives en Creuse que le site concerné se situe sur la seule nappe souterraine du département, avec les deux puits dits de Varennes, sur la commune de Lussat, alimentant le syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable du bassin de Gouzon.

À proximité se trouvent également un double site Natura 2000, le bassin de Gouzon et l’étang des Landes, ainsi que les vallées de la Tarde et de la Voueize. La réserve naturelle de l’étang des Landes, remarquable par la diversité de sa flore et de sa faune, abrite des centaines d’espèces d’oiseaux, d’insectes et de plantes, dont certaines, très rares, sont protégées au niveau régional, national ou même communautaire et constituent un patrimoine exceptionnel, reconnu d’intérêt européen. Ce site est une véritable richesse touristique pour le département. Il est la vitrine de la politique écologique du conseil général, qui ambitionne de faire de la Creuse un éco-département. C’est d’ailleurs l’ensemble de ces considérations qui a conduit le conseil général, le 19 mai dernier, à adopter à l’unanimité une motion demandant le retrait de ce projet.

Certes, il ne s’agit pour l’instant que d’un permis de recherches, mais l’investissement de 3 millions d’euros de la société dans cette opération rend très probable une exploitation prochaine.

C’est pourquoi je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir me préciser dans quelles conditions ce permis de recherches exclusif a été attribué à la société Cominor et selon quelles modalités il pourrait se transformer en autorisation d’exploiter. Si tel devait être le cas, quelle procédure précise serait alors mise en place ? Une nouvelle consultation auprès des communes et des habitants serait-elle organisée et, dans cette hypothèse, comment les avis formulés seraient-ils pris en compte ?

Plus généralement, pouvez-vous, compte tenu des risques environnementaux, des impacts sur la production et les activités liées au tourisme, m’indiquer dans quelles conditions une telle exploitation pourrait être avantageuse pour le territoire et ses habitants et, plus largement, dans quel projet d’avenir et quel choix de société il s’inscrit ?

Réponse du Ministre

M. André Vallini, secrétaire d’État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la sénatrice Renée Nicoux, vous avez bien voulu attirer l’attention d’Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, sur le permis dit « Villeranges », octroyé pour trois ans à la société Cominor le 18 novembre 2013.

La demande de permis de recherches avait recueilli un avis favorable des services déconcentrés de l’État. L’instruction menée par les services au niveau central avait conclu que l’entreprise possédait les capacités techniques et financières nécessaires pour mettre en œuvre le projet. Le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le CGEIET, a également émis un avis favorable sur la demande.

Le projet de décision a fait l’objet d’une procédure de mise à disposition du public de portée nationale, dont les résultats ont été pris en compte avant l’adoption de la décision d’attribution.

Le permis ne confère à la société Cominor que l’exclusivité du droit de recherches. Pour pouvoir réaliser concrètement des travaux de recherches, cette société devra, en fonction de l’importance et de l’impact potentiel des travaux envisagés, déposer soit une simple déclaration soit une demande d’autorisation d’ouverture des travaux auprès du préfet de la Creuse. C’est dans le cadre de cette procédure que sont examinés les enjeux environnementaux du dossier. Les technologies proposées sont évaluées.

Il est veillé à la prise en compte des zones à forte sensibilité environnementale, en l’occurrence à la réserve naturelle de l’étang des Landes, que vous avez évoquée.

Dans le cas d’une demande d’autorisation, une étude d’impact devra être réalisée. Celle-ci sera soumise à l’avis de l’autorité environnementale et à enquête publique. À l’occasion de cette dernière, tous les avis pourront bien sûr s’exprimer.

Si la société Cominor souhaitait procéder à une exploitation du site au terme de l’exploration, une demande de concession minière devrait être déposée auprès des services d’Arnaud Montebourg. Elle entraînerait une nouvelle instruction par le préfet, avec consultation des maires concernés et enquête publique d’un mois. Ensuite, une instruction ministérielle portant sur l’analyse des capacités techniques et financières de la société, notamment ses capacités à valoriser au mieux le gisement dans le respect de l’environnement, serait conduite. Les avis du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies et, en cas d’acceptation, du Conseil d’État seraient enfin sollicités.

Comme pour un permis de recherches, une concession ne confère pas le droit de procéder à des travaux. Un dossier d’ouverture de travaux serait de nouveau à déposer auprès du préfet. Une procédure complète telle que celle que j’ai décrite serait de nouveau requise. Enfin, après délivrance de l’autorisation d’ouverture de travaux et tout au long de l’activité d’exploitation, l’entreprise serait soumise à la police des mines, exercée par le préfet du département.

Vous le voyez, madame la sénatrice, le code minier encadre strictement la procédure d’octroi des permis, afin d’assurer que les enjeux environnementaux et sociaux attachés à tout projet d’exploration et d’exploitation minière soient pris en compte de manière satisfaisante. Dans le cadre de la réforme en cours du code minier, l’attention portée à ces enjeux sera encore renforcée. Ensemble, Parlement et Gouvernement, nous devons œuvrer à renforcer l’acceptabilité d’une activité créatrice de valeur et d’emplois pour notre pays.

Mme Renée Nicoux. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous venez d’apporter. Elles ne manqueront pas de rassurer les riverains concernés par le projet d’exploration de cette surface.

En effet, l’industrie minière moderne est tournée vers l’exploitation de gisements de faible concentration, ce qui implique l’utilisation d’importants volumes de produits toxiques, tels que le cyanure et l’acide sulfurique, ainsi que la génération massive de déchets.

Ce sujet est d’autant plus sensible dans notre département que la population locale a déjà connu par le passé une exploitation de mine d’or, la mine du Châtelet, située non loin du site de Villeranges, laquelle a été source d’importants dégâts environnementaux. Le site, exploité de 1905 à 1955, n’a pu être entièrement dépollué et réhabilité qu’en 2011, après la réalisation d’importants et coûteux travaux représentant près de 4,5 millions d’euros de fonds publics.

Nombreux sont les riverains se demandant si les dommages environnementaux ne risquent pas d’être plus importants que l’économie engendrée par l’exploitation du sous-sol. Quoi qu’il en soit, je ne manquerai pas de relayer la réponse que vous venez de m’apporter.

>> Voir le site du Sénat