Présentation de notre rapport « l’Allemagne: une réussite économique, à quel prix? »

Du 11 au 15 mars dernier, une délégation sénatoriale composée de 5 sénateurs, dont je faisais partie, s’est rendue rendue en Bavière et à Berlin afin d’étudier la situation économique de l’Allemagne.

Dans un rapport intitulé « L’Allemagne: une réussite économique, à quel prix? »,  présenté le 4 juillet devant nos collègues de la commission des affaires économiques, nous tirons un bilan de ce déplacement à travers l’exemple de trois secteurs économiques : l’agriculture, l’énergie et l’industrie. Ce rapport a été adopté à l’unanimité et je souhaitais, ici, vous en présenter les principaux enseignements.

Présentée souvent comme la « locomotive économique » de l’Europe, l’Allemagne a su, en une dizaine d’années, passer du statut de « l’homme malade de l’Europe » à celui de leader économique mondial. Ce miracle économique, comme certains l’appellent, s’est construit sur un modèle performant, axé sur le développement d’une industrie de haute technologie avec des produits de grande qualité et orienté vers l’exportation avec des efforts de compétitivité impressionnants.

Lors de notre déplacement, nous avons ainsi pu observer la spécificité du modèle dit du Mittelstand, basé sur une myriade d’entreprises de taille intermédiaire, souvent de nature familiale, qui pratiquent la cogestion en associant de nombreux acteurs autour de leurs projets : universités, gouvernements fédérés et fédéral, banques … Ce système a clairement montré ses atouts et il n’est pas surprenant de constater que certaines de nos régions françaises tentent d’en reproduire aujourd’hui le principe.

Mais ce déplacement a également confirmé la dichotomie profonde qui existe entre le succès économique de ce pays et certaines réalités sociétales.

D’une part, nous avons pu nous rendre compte des inégalités de richesse et de développement entre les régions allemandes, avec une Allemagne du Sud et de l’Ouest très industrialisée et une Allemagne de l’Est peinant à rattraper son retard. D’autre part, nous avons constaté certains effets pervers de ce modèle économique très ouvert vers l’international, recherchant compétitivité et flexibilité, et faisant primer l’économie sur le social.

Ainsi, en matière d’emploi, l’Allemagne pourrait apparaître comme un exemple avec un taux de chômage bien inférieur au nôtre et en baisse depuis plusieurs années, de l’ordre de 6,7% en moyenne en 2012. Or, ce succès apparent n’est que le reflet d’une politique de l’emploi très libérale, concrétisée par les fameuses « réformes Hartz » menées de 2002 à 2003 dont l’objectif était de favoriser l’accès ou le retour à l’emploi, même peu rémunéré, plutôt que l’inactivité. Toutefois, certains indiquent que ces réformes sont responsables d’une dégradation des conditions d’emploi et d’un appauvrissement de la population active. Nous pouvons ainsi noter le développement inquiétant des « mini jobs » qui concernent des tâches peu ou pas qualifiées, proposées pour une quinzaine d’heures par semaine et un salaire mensuel d’environ 400 euros. Entre 2,4 et 7,3 millions d’allemands occuperaient ce type d’emploi sur un total de 43 millions d’actifs, soit près d’un 1 actif sur 6 !

En matière de politique énergétique, les interrogations restent également nombreuses. Il est évident que le modèle allemand est largement en avance sur la France en matière de développement des énergies renouvelables et il faudrait s’inspirer de leur bouquet énergétique beaucoup plus équilibré que le notre. Suite à la catastrophe de Fukushima, le Gouvernement allemand a même souhaité aller plus loin en annonçant l’arrêt définitif de sa production nucléaire avant 2022. Or, nous sommes ici face à un réel paradoxe car cette transition écologique allemande risque très certainement de se traduire par un recours accru au charbon, soit l’énergie fossile la plus polluante.

Finalement, en matière agricole, si l’Allemagne constitue une puissance agricole majeure en Europe, elle doit néanmoins faire face à de nombreux défis. Le pays est le deuxième importateur mondial de produits agricoles avec un déficit s’élevant à 12,5 milliards d’euros en 2010 . En outre, la pression foncière des terres agricoles est très forte et ce phénomène est accentuée par un développement important des productions agroénergetiques en lieu et place des productions alimentaires. Ainsi, lors de notre visite dans une exploitation, j’ai pu constater que l’objectif était parfois bien plus de produire du lisier pour le biogaz que du lait. Par ailleurs, le modèle de développement intensif des productions agricoles et de l’élevage n’est pas sans soulever des critiques, notamment en termes de bien-être animal et d’écologie.

En conclusion, nous indiquons dans notre rapport que si le modèle économique allemand est indubitablement une réussite, il n’en demeure pas moins imparfait et ses conséquences, notamment sociales, pourraient s’avérer dramatiques. De plus, il faut avoir à l’esprit que l’Allemagne sera confrontée dans les prochaines années à un défi démographique de taille avec une population vieillissante et un taux de natalité faible. 

Pour plus d’informations sur l’ensemble de ces questions, je vous invite à consulter le rapport :