Intervention du 15 juin au Sénat contre la fermeture du service de radiothérapie

Défense du service de radiothérapie de Guéret

Madame la ministre, il y a bientôt un an, la loi HPST était votée. À l’époque, le groupe socialiste s’y était fermement opposé et avait dénoncé le choix d’une logique de rentabilité, au détriment de la santé publique et des patients.

Avec cette loi, vous avez mis à mal l’avenir de l’hôpital public et, par là même, l’ensemble de notre système de santé. Vous participez, de plus, à la désertification des territoires ruraux en incitant à la « centralisation » des soins dans de grands centres hospitaliers gérés comme des entreprises.

Je profite de ce débat pour aborder une manifestation concrète des effets désastreux de la loi sur notre offre de soins : celle de la fermeture programmée du service de radiothérapie de Guéret dans la Creuse.

Le 27 mai dernier, le directeur de l’ARH, l’Agence régionale d’hospitalisation, devenue l’Agence régionale de santé, a annoncé la fermeture du service départemental de radiothérapie du centre hospitalier de Guéret.

Cette décision, prise sans concertation préalable, se fonde sur les recommandations de l’Institut national du cancer, qui préconise la fermeture de tout service ne possédant qu’un seul appareil de traitement et ayant moins de 600 patients par an.

Je m’oppose, et avec moi les élus creusois, à cette décision qui ne prend pas du tout en compte les spécificités et les besoins d’un territoire comme la Creuse. Comme vous pouvez l’imaginer, madame la ministre, mon département, comme de nombreux départements ruraux, doit déjà faire face à un phénomène de désertification médicale. Les disparités de densité et de typologie des praticiens n’ont jamais été aussi marquées, et ce au détriment des territoires ruraux.

De plus, département le plus « âgé » de France, la Creuse connaît une demande croissante en matière de soins qui, dans le même temps, nécessitent d’être adaptés aux besoins de la population. Et le besoin primordial de mon département, c’est la proximité des soins !

Il y a trois ans, quand le service a été rénové et doté de matériel performant, à la plus grande satisfaction des quelque 300 patients qui en bénéficient, je ne me rappelle pas avoir entendu de protestations. Aujourd’hui, c’est bel et bien la mise en œuvre de votre politique qui débouche sur la fermeture de ce service !

Peu importe la qualité des soins prodigués et l’importance de ce service pour la population, pour le Gouvernement, seules comptent les économies d’échelle et la recentralisation du système.

Notre service de radiothérapie a reçu de très bonnes évaluations et répondait à un besoin réel de la population locale. Certains ont évoqué des normes de sécurité non respectées pour justifier la fermeture de ce site. Or, l’équipement du service de radiothérapie de Guéret a entièrement été refait à neuf en 2007 et répond à l’ensemble des critères de sécurité actuellement en vigueur.

Ce service a toujours donné entière satisfaction aux responsables du centre de coordination en cancérologie de la Creuse, comme ils l’ont d’ailleurs souligné dans un courrier adressé au directeur de l’ARH. Dans cette lettre, ils indiquaient que les délais de prise en charge étaient très bons et en adéquation avec les recommandations scientifiques, que l’accueil des patients était de qualité, tout comme les traitements reçus, et que les relations et la coordination pluridisciplinaire avec les autres services de l’hôpital étaient optimales.

Tous ces éléments démontrent bien qu’il n’existe aucune justification plausible à la fermeture de ce site, excepté le fait de vouloir créer de grands centres hospitaliers centralisateurs ! La fermeture de ce service va être dramatique pour les 300 patients annuellement pris en charge. Pensez-vous, madame la ministre, qu’il soit raisonnable d’ajouter à la souffrance de patients déjà fragilisés une fatigue et un stress supplémentaires du fait de trajets plus longs et plus pénibles ?

De plus, aucun service de radiothérapie supplémentaire ne sera ouvert à Limoges, alors même que cet hôpital va devoir faire face à l’arrivée d’une nouvelle « patientèle ». Les délais de prise en charge vont donc mécaniquement s’allonger de façon inacceptable, au détriment des patients de l’ensemble de la région du Limousin.

Aucun élu ne peut accepter de voir son territoire ainsi mis à mal. Plusieurs dizaines de patients pris en charge au centre de Guéret ont d’ores et déjà annoncé qu’ils renonceront à leur traitement pour les raisons que je viens de présenter.

Madame la ministre, vous devez revenir sur votre décision ! Vous avez présenté votre réforme comme une « rationalisation des dépenses de santé ». Dans le cas présent, je me demande où sont ces fameuses économies et où se trouve la rationalité.

Je tiens à rappeler que la rénovation du centre de radiothérapie de Guéret a coûté près de 3 millions d’euros. Si nous fermions le centre demain, il s’agirait simplement d’un gaspillage de fonds publics, alors que le Gouvernement fait officiellement de la réduction des dépenses son objectif principal.

De plus, face à nos protestations légitimes quant à la fermeture du service, vous nous avez indiqué que la sécurité sociale prendrait en charge les coûts de déplacement. Il nous a été annoncé que des hôtels seraient mis à disposition des patients près des centres de traitement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout à fait !

Mme Renée Nicoux. Ce sont donc des dépenses supplémentaires pour la sécurité sociale !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Exactement !

Mme Renée Nicoux. Quelle est la légitimité d’une décision qui va engendrer des coûts supplémentaires pour la sécurité sociale tout en réduisant à néant un investissement de près de 3 millions d’euros ?

La loi HPST ne semble pas procéder à une organisation du système de santé mais, bel et bien, à une désorganisation et à une déstructuration de l’offre de soins.

Votre décision a été prise totalement à contre-pied de l’intérêt des malades, lesquels sont, une fois de plus, oubliés au profit d’une logique économique. Pour quels bénéfices ? Aucun ! Que ce soit la sécurité sociale, l’environnement, l’attractivité de nos territoires et le bien-être de nos citoyens, tous semblent perdants !

La disparition du service de radiothérapie va gravement fragiliser l’ensemble de la chaîne des soins apportés aux patients creusois. La prise en charge de l’ensemble des patients atteints d’une pathologie cancéreuse va fortement se dégrader.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais non !

Mme Renée Nicoux. Madame la ministre, alors que la loi HPST est censée avoir pour objectif, selon vos propres termes, de « renforcer la territorialisation » en luttant contre « la désertification médicale » et en « s’adaptant aux réalités du terrain », comment pouvez-vous expliquer votre décision ? Je vous pose la question, mais j’ai bien peur d’en connaître la réponse.

La loi HPST a fait un grand pas en avant vers une marchandisation de notre système de santé. Les hôpitaux sont désormais gérés comme des entreprises. Les patients, apparentés à des clients, ne semblent plus être au cœur d’une politique publique de santé. Cette évolution est désolante !

En tant qu’élue de la Creuse, je me devais de soulever ce problème précis aujourd’hui. Mais ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Bon nombre de mes collègues, de tous bords politiques, pourraient vous donner des exemples similaires sur leurs territoires !

Cette loi HPST semble faire un pas de plus vers un délaissement de nos espaces ruraux, tout en mettant à mal notre système de soins, qui fait pourtant partie intégrante de notre histoire.

Nous assistons une fois de plus à la casse de nos services publics que vous opérez depuis 2007. Après les tribunaux, La Poste, les collectivités territoriales et les hôpitaux, que reste-t-il aux citoyens français qui n’habitent pas dans les grandes agglomérations ? Rien !

Madame la ministre, vous indiquiez, le 11 janvier dernier, dans un communiqué de presse que vous souhaitiez disposer d’« indicateurs de santé qui tiennent compte des inégalités sociales et territoriales » afin d’engager des actions « justes dans leurs effets ».

Je peux d’ores et déjà vous assurer que les inégalités sont profondes et véritablement choquantes dans de nombreuses régions. Et avec des décisions comme celle qui a été prise pour la Creuse, ce n’est certainement pas vers un système « juste » que nous nous dirigeons, bien au contraire ! Cette décision suscite de l’inquiétude et de l’insatisfaction, laisse un sentiment d’abandon et ne répond pas à l’objectif de lutte contre la désertification médicale et d’adaptation aux réalités du terrain.

(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)