Rejet de la proposition de loi visant à instaurer un nouveau pacte territorial : encore une occasion manquée pour nos territoires !

Le 30 juin dernier, la proposition de loi visant à instaurer un nouveau pacte territorial a été rejetée au Sénat. Ce texte, dont Jean-Jacques Lozach et moi-même sommes les deux premiers signataires, formulait 27 propositions concrètes pour donner un nouveau souffle à nos territoires.

Lors de l’examen de ce texte en séance publique, la majorité sénatoriale et le Gouvernement ont refusé le débat. Ils ont ainsi voté une motion de renvoi en commission, privant le Sénat d’une discussion de fond.

Pire encore, aux dires des sénateurs UMP et du Gouvernement, tout va pour le mieux sur nos territoires. La Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) n’impacte pas la vie de nos concitoyens. Les français ne subissent pas les conséquences des fermetures d’écoles, d’hôpitaux, de gendarmeries, de tribunaux ou de bureaux de postes…

Je suis stupéfaite d’un tel aveuglement. Nos propositions étaient concrètes et pragmatiques. Elles se faisaient les échos des attentes des français et des élus locaux. A ce titre, elles méritaient d’être examinées avec toute l’attention nécessaire !

Notre constat est pourtant simple : les territoires ruraux et périurbains, sont des territoires d’avenir qui regorgent d’atouts. Pourtant, ils sont les grands oubliés des politiques publiques depuis de nombreuses années. Cette situation ne peut donc plus durer. Il faut leur donner les moyens et les outils pour se développer harmonieusement.

Je vous prie de prendre connaissance de l’intervention que j’ai faite à la tribune du Sénat, au nom du groupe socialiste.

Plus d’information :

Intervention de Madame Renée Nicoux à la tribune au Sénat le 30 juin :


Proposition de loi pour un nouvau Pacte… par reneenicoux

L’intégralité de mon intervention en version écrite.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos territoires ruraux sont un atout pour notre pays, comme vient de le dire Mme la ministre. Notre proposition de loi part du même constat, mais elle en développe la conséquence logique : il faut donner à ces territoires les moyens de rester des atouts.Cette proposition de loi aurait pu nous fournir l’occasion d’aborder de véritables problèmes de fond. Je regrette donc que la majorité la balaie ainsi d’un revers de main. Sans nous faire aucune illusion sur le sort réservé à ce texte, comme d’ailleurs à la plupart des propositions de loi de notre groupe, nous espérions néanmoins susciter un débat sur les mesures concrètes proposées.

Malheureusement, ce ne fut pas le cas en commission, et ce ne le sera pas non plus aujourd’hui dans cet hémicycle. Vous décidez de rejeter ce texte sans que nous puissions examiner avec attention les différents articles qui le composent. Or je peux vous affirmer que nos propositions sont loin d’être marquées du sceau de l’archaïsme, bien au contraire ! Ce ne sont pas des déclarations d’intention, mais des propositions concrètes, relayant les attentes d’une majorité de Français et d’élus, en dehors de tout clivage politique.

Je ne vous cache pas que ma surprise a été grande de constater, en commission, à quel point nos approches divergent quant au fondement même de cette proposition de loi, qui est pourtant simple : qu’ils soient périurbains ou ruraux, les territoires rencontrent aujourd’hui des problèmes aigus, dus notamment à la désertion des services de l’État, et il faut y apporter des solutions. Pourtant, le rapport de la commission indique que notre constat est « largement excessif et orienté », que nos propos sont outranciers, que nous portons des accusations sans fondement, et que, « à la lumière du panorama » de la politique menée actuellement par le Gouvernement, notre analyse est fausse !

J’en viens à me demander si nous vivons sur la même planète !

Nos concitoyens doivent faire face à la fermeture d’hôpitaux, de maternités de classes primaires, de gendarmeries et aux différentes restructurations judiciaires ou militaires qui vident nos territoires.

Allez leur demander si notre diagnostic est excessif !
Allez demander aux élus locaux qui doivent répondre aux besoins croissants de leurs administrés, notamment dans les zones rurales, avec des budgets de plus en plus contraints, si nos déclarations sont dénuées de fondement !
Allez demander aux petits commerçants et artisans situés en zone rurale si leur situation économique n’est pas dramatique !

J’imagine bien que ce refus de tout dialogue n’est pas étranger au fait que certaines échéances électorales approchent : ce sujet est trop brûlant. Il vaut mieux repousser le débat qui, je l’imagine, trouvera toute sa place, je l’ai entendu annoncer tout à l’heure, dans le futur programme présidentiel de la majorité. J’espère bien que l’opposition abordera également ces questions !

Le rapport de la commission illustre parfaitement cette position : il critique longuement la forme de notre texte, mais se garde bien d’en aborder le fond. Il établit ainsi un catalogue à la Prévert des bonnes actions du Gouvernement en faveur de la ruralité, en oubliant soigneusement d’évoquer les effets dévastateurs de la RGPP, qui est menée parallèlement.

Or ces effets sont réels et notre analyse est très largement partagée par les élus, même parmi ceux de la majorité. J’en veux pour preuve la multiplication des rapports et les débats qui souscrivent à ce constat. J’en veux également pour preuve les séances de questions orales du mardi matin qui reflètent parfaitement le désarroi des élus de terrain. J’en veux encore pour preuve la proposition de loi déposée le 15 février 2011 par une trentaine de députés de l’UMP « tendant à mettre en place un Plan Marshall pour la ruralité ». Son intitulé est plus qu’évocateur et son contenu symptomatique du malaise qui règne au sein même de vos rangs sur cette question, tout comme la décision de ne pas l’inscrire à l’ordre jour, d’ailleurs. Cette proposition de loi évoque bel et bien le désengagement de l’État de la politique d’aménagement du territoire, je vous l’assure !

Monsieur le rapporteur, je pense que notre constat n’est ni exagéré ni outrancier. Il est au contraire en phase avec les réalités locales et la crise que traversent actuellement nos territoires ruraux. Vous nous indiquez que ce texte est prématuré. Mais la situation est critique depuis de nombreuses années déjà, et il y a urgence ! Nous avons lancé le débat en janvier dernier ; maintenant, nous en venons aux propositions concrètes.

Face à l’aggravation des inégalités économiques, sociales et désormais territoriales, nous nous devons, en tant qu’élus de la République et représentants des collectivités locales, d’enclencher une nouvelle dynamique territoriale. La ruralité est, et doit rester, une chance pour notre pays, comme le démontre le vif regain d’intérêt des Français pour l’installation en zone rurale. La tendance démographique tend même à s’inverser : 75 % des cantons ruraux voient leurs populations augmenter et dix millions de Français aspirent à vivre en dehors des grands centres urbains.
Les pouvoirs publics doivent accompagner ce phénomène comme il se doit, en donnant réellement aux Français qui le souhaitent la possibilité de mener à bien leur projet de vie. Pour ce faire, nous devons mettre en place un nouveau pacte territorial. Nous devons restaurer et institutionnaliser le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales, tant mis à mal ces dernières années.

Il nous apparaît également plus que jamais nécessaire d’assurer à nos concitoyens une organisation de l’offre de services publics, dans le respect d’un principe d’équité territoriale et de proximité. L’enjeu est crucial, car seul l’accès aux biens et services essentiels dans des conditions raisonnables permettra de maintenir les habitants sur un territoire et d’attirer de nouvelles populations.
Quand nous proposons de garantir un temps d’accès raisonnable aux services publics de santé, d’éducation et d’emploi, ce n’est par posture idéologique, mais bien par réalisme et par pragmatisme. Nous devons recréer les conditions d’égal accès des citoyens aux services publics sur l’ensemble du territoire. Sans infrastructures de transports adaptées, sans accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, sans soutien aux activités économiques locales, nos territoires, qu’ils soient ruraux ou périurbains, n’auront pas de perspectives de développement adaptées aux attentes des Français.

Mes chers collègues, je regrette profondément cette occasion ratée d’engager un débat de fond sur des mesures concrètes pour un développement harmonieux de nos territoires et une plus grande prise en compte des spécificités rurales ou périurbaines, qui, à bien des égards, souffrent des mêmes maux. La commission renvoie à plus tard l’examen de questions qui, de toute évidence, embarrassent la majorité.

Vous nous affirmez qu’il faut attendre les conclusions des trois missions communes d’information en cours. N’est-ce pas une façon de refuser la réalité ?

D’ailleurs, les travaux menés par la mission d’information sur les conséquences de la RGPP pour les collectivités territoriales et les services publics locaux le confirment : la réorganisation des services déconcentrés de l’État inspire aux élus locaux et aux Français un profond « sentiment d’abandon ». L’addition des politiques sectorielles menées depuis plusieurs années se traduit par d’importants dégâts collatéraux en termes d’aménagement du territoire.

Nous ne pouvons plus continuer dans cette voie ! Ces politiques privent nos territoires d’oxygène alors qu’ils ont besoin, au contraire, d’un nouveau souffle. Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste estime urgent qu’un nouveau pacte territorial soit mis en place, un pacte territorial en phase avec les besoins de nos concitoyens et en phase avec les attentes des élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)