Organisation d’un débat sur la PAC au Sénat

Comme je vous l’indiquais dans un article du 5 juin, le Sénat s’est fortement mobilisé sur l’avenir de la Politique Agricole Commune (PAC) ces derniers mois. C’est ainsi qu’il a adopté le 28 mai dernier, une proposition de résolution européenne sur la réforme de la PAC issue du groupe de travail sénatorial consacré à ce sujet.

Suite à l’accord trouvé au niveau européen le 26 juin, notre Haute Assemblée a décidé de poursuivre ses travaux en ouvrant la session extraordinaire du mois de juillet par un grand débat dans l’hémicycle afin de faire un point sur les principales dispositions adoptées.

Lors des débats, je suis intervenue au nom du groupe de travail sur la PAC. Je vous invite à en prendre connaissance ci-dessous :

Extrait des débats du 2 juillet 2013 :

Mme Renée Nicoux, coprésidente du groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, saluons ensemble la tenue ici, au Sénat, de ce débat sur la politique agricole commune, quelques jours après la fin des négociations européennes menées dans le cadre du trilogue entre Parlement européen, Conseil et Commission européenne. Je remercie le Président de la République et le Gouvernement d’avoir bien voulu le faire inscrire à l’ordre du jour de notre session extraordinaire.

Le Sénat a été très actif dans le suivi de la réforme de la PAC, à travers un groupe de travail associant la commission des affaires européennes et la commission des affaires économiques. Au mois de mai dernier, nous avons adopté une résolution européenne exprimant globalement notre accord avec les orientations générales de la nouvelle PAC, mais réclamant une plus grande ambition régulatrice de l’Europe sur les questions agricoles.

Monsieur le ministre, le débat d’aujourd’hui fournit l’occasion de vous interroger sur les résultats de la négociation du trilogue, mais aussi d’échanger sur la mise en œuvre nationale de la nouvelle PAC, qui sera tout aussi importante pour les agriculteurs français. Lorsqu’on évoque la PAC, la question des moyens budgétaires que l’Europe y consacre vient tout de suite à l’esprit. Et chaque réforme inquiète le milieu agricole, faisant craindre des réajustements budgétaires à la baisse d’un budget qui représente encore 43 % des dépenses de l’Union. L’accord du 8 février 2013 sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020, passé entre chefs d’État et de gouvernement, réduit de manière substantielle l’enveloppe globale du budget européen pour la prochaine période. Toutefois, dans le remodelage de la maquette financière européenne, l’agriculture ne subit pas la saignée redoutée. Au final, les dépenses agricoles de l’Europe seront stabilisées en euros courants à leur niveau de 2013, dans le cadre d’un budget européen historiquement faible, avec des crédits de paiement représentant à peine 0,95 % du PIB communautaire.

Pour la France, l’enveloppe budgétaire allouée – elle est de 56 milliards d’euros sur la période, premier et deuxième piliers confondus – est très proche de l’enveloppe de la période précédente, grâce à un bonus de près d’1 milliard d’euros obtenu in extremis sur le deuxième pilier.

Je me permets de souligner que ce résultat n’a été possible que grâce à la pugnacité de la France, de son gouvernement et du Président de la République dans la négociation. Rien n’était gagné d’avance.

Une fois le budget préservé dans ses grandes lignes, il restait à trouver un compromis sur le contenu de la future PAC. Plus juste, plus verte, mais aussi plus efficace : tels étaient les objectifs initiaux de la Commission européenne. Le moins que l’on puisse dire est que le paquet législatif présenté par la Commission le 12 octobre 2011 est loin d’être révolutionnaire.

Comme aujourd’hui, la future PAC reposera de manière principale sur les aides directes découplées, avec des mesures minimales de régulation des marchés et un deuxième pilier de la PAC plus modeste, permettant toutefois de mettre en œuvre des mesures structurelles en faveur du secteur agricole, cofinancées par les États membres. La Commission propose de répartir les aides directes de manière plus équitable : on ne peut que s’en féliciter.

D’abord, la réforme organise une convergence progressive des aides entre États membres, ce qui était nécessaire, sans aller vers des aides identiques partout, car il subsiste d’importantes différences de niveaux de vie entre États. Ensuite, la Commission vise à plus de justice entre agriculteurs de chaque État, en demandant la fin des références historiques. La résolution adoptée par le Sénat au mois de mai soutient cette vision, car il n’est plus possible de justifier le maintien d’écarts importants des niveaux d’aide entre exploitations voisines.

Le compromis du trilogue a assorti cette convergence de garde-fous dans les deux sens : à la fin de la période, aucun agriculteur ne pourra toucher moins de 60 % de la moyenne nationale ou régionale. De même, les États membres pourront plafonner la perte à 30 % sur l’ensemble de la période. La possibilité de réserver 30 % de l’enveloppe des paiements directs pour bonifier les paiements sur les premiers hectares va aussi dans le bon sens, permettant de favoriser les exploitations familiales de petite taille.

La principale innovation de la nouvelle PAC résidait dans le verdissement du premier pilier. Dans sa résolution, le Sénat soutient pleinement cette orientation qui évite toute distorsion entre pays, tout en demandant des précisions, en particulier sur le non-retournement des prairies permanentes, sachant que cette question ne cesse de soulever des inquiétudes chez les éleveurs.

Au final, l’accord du trilogue paraît satisfaisant, en permettant d’apprécier le critère au niveau régional. L’exigence d’une diversité des cultures est préservée. Les surfaces d’intérêt écologique, hors prairies, sont maintenues à 5 % en 2015 et 7 % en 2019. Le non-respect du verdissement sera sanctionné, y compris sur les paiements de base. Le verdissement n’a pas été vidé de son sens, ce qu’on pouvait redouter.

Enfin, nous conservons des possibilités de couplage, dans la limite de 13 % de l’enveloppe nationale des paiements directs, auxquels s’ajoutent 2 % pour développer les protéines végétales.

Autre avancée majeure : la mise en œuvre d’une majoration des aides pour les jeunes agriculteurs au sein du premier pilier, qui viendra compléter les soutiens existants en France pour l’installation des agriculteurs au sein du deuxième pilier.

Depuis le début des travaux du Sénat sur la PAC, nous défendons une plus grande ambition régulatrice de celle-ci. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un combat de longue haleine, contre une orientation libérale qui est à l’œuvre depuis vingt ans et qui marque encore l’approche de la Commission européenne. Reconnaissons au commissaire Ciolos la volonté de changer la donne. La possibilité, pour les producteurs, de se regrouper sur une base plus large et l’introduction d’une clause générale de perturbation des marchés permettant à la Commission européenne d’intervenir constituent de réelles avancées au sein du texte sur les organisations communes de marché.

Pour autant, la réforme de la PAC confirme le démantèlement des quotas de sucre en 2017, ne réintroduit aucune régulation de la production laitière et maintient les filets de sécurité de l’intervention à des niveaux très bas.
Dans notre résolution, nous avons proposé d’engager dès maintenant une réflexion sur l’activation contracyclique de la PAC. En effet, comment justifier que les aides soient les mêmes quand tout va bien et quand tout va mal, quand les prix des céréales sont très élevés et quand ils sont très faibles ? Pourquoi les États-Unis pourraient-ils, avec leur Farm Bill, intervenir de manière plus massive en cas de crise des revenus agricoles, et pas l’Europe ?

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour mener ce que nous pouvons considérer au sens noble du terme comme un combat idéologique. Ce combat doit être conduit avec énergie contre certains de nos partenaires européens, qui refusent de reconnaître aux produits agricoles une dimension de marchandises « pas comme les autres » en ce qu’ils sont un élément de la souveraineté alimentaire.
Pour conclure, je constate que les contours de la future PAC sont désormais fixés. Mais il reste une étape importante : sa déclinaison nationale au sein du premier et du deuxième pilier. Mettre l’accent sur l’élevage me paraît essentiel partout où le droit communautaire nous laissera des marges de manœuvre.

Nous avons bien franchi la phase des discussions au niveau communautaire. Nous savons pouvoir compter sur vous pour réussir la mise en œuvre de la nouvelle PAC dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées de l’UDI-UC.)