Intervention dans le cadre de la loi de modernisation de l’Agriculture et de la Pêche

Intervention du 28 mai 2010 :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends la parole au nom de Bernadette Bourzai, qui n’a pas pu rester ce soir.

Avec l’article 15 du projet de loi, nous abordons plusieurs dispositions qui visent à améliorer la gestion et l’exploitation de la forêt française.

En France, la forêt est sous-exploitée. On ne récolte que 40 % de la croissance naturelle du bois, mais le bois représente le deuxième poste du déficit commercial de notre économie, alors que la France dispose du troisième parc forestier de l’Union européenne.

Pourtant, la richesse forestière est présente sur tout notre territoire, dont un tiers est couvert de forêts. Elle est même plus particulièrement présente dans les zones les moins favorisées économiquement et socialement.

En effet, si l’existence de forêts étendues fait l’originalité de territoires comme la Lorraine, la Sologne ou les Landes, les taux de boisement particulièrement élevés se retrouvent toujours dans des zones de relief, là où les mises en valeur des sols sont plus difficiles et là où les densités de population sont plus faibles.

Valoriser l’exploitation de la forêt doit permettre le développement local de ces espaces ruraux fragiles.

Les paradoxes de la question de la forêt et du bois ont été très fortement soulignés par le Président de la République, il y a un an, dans son discours sur le développement de la filière bois prononcé à Urmatt, en Alsace.

La question à la lumière de laquelle il convient d’examiner les solutions proposées pour dynamiser l’exploitation de la forêt et développer la filière bois consiste à déterminer si celles-ci profiteront aux territoires qui sont les plus défavorisés, qui en ont le plus besoin et qui ont souvent des taux de boisement dépassant les 30 %, allant parfois jusqu’à 75 % sur le plateau de Millevaches.

Il convient donc de favoriser toutes les formes de valorisation des ressources forestières.

Permettez-moi de partir d’un exemple concret, que je connais bien, celui du bois-énergie, c’est-à-dire du bois utilisé pour alimenter les centrales de cogénération produisant de la chaleur et de l’électricité, qui permet de valoriser les sous-produits du bois.

À Urmatt, le Président de la République s’était engagé à tripler le tarif d’achat obligatoire de l’électricité produite par des unités de cogénération à partir du bois. Il s’agissait de susciter l’intérêt des investisseurs pour cette technologie.

En effet, cette annonce a suscité beaucoup d’intérêt. Malheureusement, l’arrêté tarifaire qui traduit cet engagement pose des conditions de seuil trop restrictives, notamment une puissance électrique minimale de 5 mégawatts.

Dans la pratique, la plupart des entreprises concernées, pourtant proches des ressources du terrain et les mieux placées pour mettre en œuvre des réseaux de chaleur et d’électricité de proximité favorisant le développement local, perdent le bénéfice de la mesure annoncée.

Il faudrait abaisser le seuil à 0,5 mégawatt. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Il faut par ailleurs savoir que dix semi-remorques par jour sont nécessaires pour alimenter une installation de 5 mégawatts. Pour amener le combustible à ces grosses centrales bois-énergie, les camions peuvent sillonner nos routes sur plus de cent kilomètres. Le bénéfice écologique qui est gagné d’un côté est ainsi perdu de l’autre.

Au-delà de la question du bois-énergie, la valorisation de la forêt en vue de développer l’économie locale nécessite d’encourager les différents usages du bois, notamment le bois pour la construction, et de sécuriser les approvisionnements en bois afin de favoriser la confiance réciproque entre les acteurs de l’amont et de l’aval des filières bois en leur donnant des perspectives, sans oublier les collectivités locales, qui jouent un rôle essentiel en matière d’aménagements et de transports.

Beaucoup de dérogations de tonnage à l’essieu sont déjà accordées pour le transport du bois dans les massifs forestiers, mais cela se traduit par une dégradation considérable des routes communales et départementales, sans contrepartie financière pour les collectivités locales.

Les dispositions que nous allons examiner prévoient d’établir, sous l’autorité du préfet de région, un plan pluriannuel régional de développement forestier. Pour qu’il ait une réelle efficacité, il faut que tous les acteurs de la forêt et de la filière bois puissent contribuer à son élaboration.

Chacun doit être respecté, notamment les propriétaires privés, qui attendent une amélioration du rendement de leur bien par une gestion durable de la forêt. Leurs représentants doivent pouvoir tenir leur rôle, au côté des chambres d’agriculture régionales et départementales, et j’insiste sur ces deux niveaux !

Le rôle des collectivités territoriales, en particulier celui des communes forestières, des conseils généraux et régionaux, doit y être déterminant, dans une logique de décentralisation au service de l’aménagement du territoire. Les élus locaux sont les plus légitimes et les mieux informés pour impulser des logiques de développement durable de la forêt, de ses ressources et de ses autres usages potentiels.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Renée Nicoux. Cet aspect est particulièrement important, car le Gouvernement a la volonté de favoriser le rôle des gestionnaires forestiers professionnels, notamment fiscalement, à travers le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement créé l’année dernière.

Il faut être certain que ces gestionnaires ne rechercheront pas seulement leur intérêt patrimonial au détriment des équilibres territoriaux. Leur action devra respecter les règles de gestion durable des forêts. Afin d’éviter des « tensions » entre l’action de certains gestionnaires et les objectifs exprimés dans les futurs plans pluriannuels régionaux de développement forestier, il faut que l’autorité de ces derniers soit forte.

M. le président. Veuillez maintenant conclure, madame Nicoux.

Mme Renée Nicoux. C’est pourquoi, et j’en termine, nous accordons dans l’examen de cet article une grande importance à la participation active et transparente de tous les acteurs de la forêt à l’élaboration de ces documents.